lundi 15 août 2011

Les systèmes politiques

Les systèmes politiques désignent les grandes catégories d’organisation des pouvoirs publics, à savoir : les régimes démocratiques, les régimes autoritaires et les régimes totalitaires. Au sein de chaque catégorie, il est possible de distinguer différents régimes politiques. Ces régimes désignent la forme d'organisation d'un Etat, c'est-à-dire le mode de fonctionnement qu'il définit dans sa constitution des modes de scrutin, des rôles de chaque institution et des rapports entre les différents pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire). Un système politique est donc une catégorie plus générale qui prend en compte des éléments d’ordre idéologique ou socio-économique (le système démocratique, par exemple, comprend plusieurs types de régime : parlementaire, présidentiel, etc.). Après avoir dressé un état des différentes typologies proposées par les auteurs classiques (1), nous expliquerons en quoi le principe de séparation des pouvoirs permet de faire la différence entre les régimes démocratiques et les régimes dictatoriaux (2).



1/ Les différents classements des auteurs classiques ont recours au critère du nombre de gouvernants et portent un jugement de valeur sur le gouvernement (bon / mauvais). 


A/ Dès l’Antiquité grec, Aristote propose une classification empirique des différentes constitutions pour les juger d’un point de vue moral. Dans La Politique (- 340 av. J.C.), il met au point une typologie qui repose sur deux critères :
  • un critère empirique sur le nombre de gouvernants appelés à exercer l’autorité ;
  • un jugement de valeur sur le bon gouvernement.
Ce jugement de valeur permet de distinguer deux catégories de constitution :
  • les constitutions normales : elles ont pour but la justice, c’est-à-dire pour Aristote, l’intérêt commun ;
  • les constitutions déviantes : elles ne servent que l’intérêt personnel des gouvernants.
Ces deux critères permettent de dresser le tableau suivant.


Un
Plusieurs
Multitude
Bon gouvernement
Monarchie
Aristocratie
République
Mauvais gouvernement
Tyrannie
Oligarchie
Démocratie

Si l’on détaille le tableau, on constate que pour Aristote, peu importe le nombre des gouvernés, le seul critère qui compte pour définir le bon gouvernement, c’est lorsque les gouvernants agissent dans l’intérêt commun :
  • dans une monarchie, le gouvernement d’un roi est un bon gouvernement s’il gouverne pour le bien commun des gouvernés. Si ce roi recherche son seul profit personnel, alors son régime devient une tyrannie ; 
  • l’aristocratie est à entendre en son sens étymologique de "gouvernement des meilleurs", des mieux dotés par la nature. Elle dévie en oligarchie lorsque ces meilleurs, peu nombreux, détournent le pouvoir pour le seul profit de leur groupe ;
  • quant à la république, elle consiste dans le gouvernement du grand nombre pour l’intérêt commun. Si ce grand nombre se sert du gouvernement contre les minorités, alors elle devient un mauvais gouvernement.
Selon Aristote, ce qui distingue plus fondamentalement l’oligarchie de la démocratie, c’est un critère socio-économique. En réalité, la véritable opposition se fait entre riches (souvent peu nombreux) et pauvres (très nombreux). Lorsque les pauvres (la multitude) exercent leur gouvernement pour leur profit et contre les riches, alors l’utilité commune n’est plus un objectif.

La classification d’Aristote, tout en étant riche, n’est cependant plus valable de nos jours où les gouvernements se sont fortement institutionnalisés. La monarchie ne peut plus être le pouvoir d’un seul, ni la république le pouvoir de la multitude. L’avènement des régimes représentatifs ont conduit à déplacer les critères. Comme le souligne Philippe Braud dans Sociologie politique, "partout l’autorité effective est toujours exercée par ‘‘un petit nombre’’" (p. 283).


B/ Dans L’esprit des lois (1748), Montesquieu établit qu’"il y a trois espèces de gouvernement : le républicain, le monarchique et le despotique" (II). Cette distinction est fondée sur une volonté qu’il partage avec les élites de son temps : réformer le système monarchique français. Sa préférence va explicitement en faveur d’un gouvernement hiérarchique respectueux des privilèges et prérogatives de chaque condition sociale, à la manière de ce qui se fait à la même époque au sein de la monarchie britannique.

Son principal apport est de faire un lien entre la forme constitutionnelle et les passions qu’il convient au gouvernement de faire ressentir aux individus. Il écrit ainsi que : "comme il faut de la vertu dans une république et dans une monarchie de l’honneur, il faut de la crainte dans un gouvernement despotique" (III). Par exemple, pour cette raison, l’instauration d’une forme républicaine peut échouer si le peuple n’est pas portée par la vertu. 


République
Monarchie
Despotisme
Passion
Vertu
Honneur
Crainte

Le gouvernement républicain a deux modalités qui sont :
  • la démocratie : le peuple tout entier exerce en corps sa souveraine puissance (cités de la Grèce antique) ;
  • l’aristocratie : la puissance souveraine appartient à la noblesse (républiques de Venise ou de Gênes).
La monarchie : "un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies" (II). La volonté du Prince est la source légitime de tout pouvoir, mais elle exclut qu’il gouverne sans la noblesse, sans quoi le régime deviendrait despotique. Son principe est l’honneur car il instaure des distinctions.

Le despotisme : assimilé à un pouvoir arbitraire dont le principe est la crainte, l’obéissance y est sans réserve. Pour Montesquieu, il s’agit du pouvoir sans partage propre à l’empire ottoman.

Le mérite de Montesquieu, bien qu’il ait fondé sa typologie sur des valeurs davantage que sur une objectivité scientifique, c’est d’avoir défendu un gouvernement tempéré. Il reste que cette construction théorique est intimement liée à son usage politique réformiste.


C/ Dans Le Contrat social, Rousseau distingue également trois formes de gouvernement en fonction du nombre de gouvernants : la démocratie (tout le peuple), l’aristocratie (une minorité) et la monarchie (un seul). Comme Aristote, selon les cas, ces formes de gouvernement peuvent se révéler mauvaises. Mais il ajoute un critère supplémentaire : celui de la taille et de la richesse du pays. Ainsi, la démocratie ne peut convenir qu’aux petits Etats pauvres, l’aristocratie aux Etats médiocres en grandeur et en richesse et la monarchie aux grands Etats riches.

Rousseau reprend à Aristote le thème de la dégénération des gouvernements, mais il en donne une explication différente : il existe un vice inhérent au corps politique qui conduit la volonté particulière des gouvernants à agir sans cesse contre leur sens de l’intérêt collectif (la volonté générale). Il compare ce processus du corps politique à celui du vieillissement du corps de l’homme.

Forme initiale
Démocratie
Aristocratie
Royauté
Forme finale
Ochlocratie
Oligarchie
Tyrannie

N.B. : l'ochlocratie est le pouvoir de la foule, une forme de gouvernement où la masse peut imposer tous ses désirs.


2/ La notion de séparation des pouvoirs permet de distinguer les régimes propres au système démocratique et les régimes propres au système dictatorial.


A/ L'idée qu'il existe des régimes politiques différents nécessite un passage de l'absolutisme, où une autorité unique dispose à elle seule de tous les pouvoirs, à un pluralisme définit dans une constitution. Selon Montesquieu, une autorité a toujours tendance à abuser de ses pouvoirs : "c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser : il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites [...], il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir" (De l'esprit des lois, IX, 6). Le principe de séparation des pouvoirs s’appuie donc sur ce constat.

A partir de ce principe, il est possible d'identifier quatre grands régimes politiques : le régime parlementaire, le régime présidentiel, le régime dictatorial et le régime conventionnel (aussi appelé régime d'assemblée). Si les deux premiers régimes respectent le principe de séparation des pouvoirs, ce n'est pas le cas des deux derniers.


B/ Le régime parlementaire et le régime présidentiel respectent tous deux le principe de séparation des pouvoirs.

a) Le régime parlementaire met l'accent sur le parlement, dont la prédominance tend à effacer la personne qui se trouve à la tête de l'Etat (dans une monarchie, c'est le roi ; dans une république, c'est le président). Cela revient à favoriser le pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif (on trouve un régime parlementaire au Royaume-Uni et en Allemagne).

b) Le régime présidentiel, en revanche, place l'accent sur la tête de l'Etat, et tend à donner au pouvoir exécutif, une prédominance plus forte qu'au pouvoir législatif (c'est le cas notamment aux Etats-Unis).

Il faut également ajouter que la pratique de la séparation des pouvoirs peut être :
  • souple : le législatif et l'exécutif ont des compétences distinctes, ils exercent néanmoins l'un sur l'autre une influence réciproque (contrôle, renversement, dissolution etc.) ;
  • rigide : chaque pouvoir est enfermé dans un champ d'action déterminé, et ne peut influencer l'autre pouvoir (par exemple, en France la Constitution de 1791).

C/ Quant au régime dictatorial et au régime conventionnel, ils ne respectent pas la séparation des pouvoirs.

a) Le régime dictatorial désigne un régime politique autoritaire, établi et maintenu par la violence, à caractère exceptionnel et illégitime. Il est lié à l'émergence de crises très graves et son objectif est soit d'empêcher l'évolution en cours (dictatures conservatrices) ou bien de la précipiter (dictatures révolutionnaires).

b) Le régime conventionnel est un régime où l'assemblée élue incarne la puissance étatique dans sa plénitude. Un domaine exécutif existe pour remplir les multiples fonctions qu'une chambre nombreuse n'est pas en mesure d'assurer, mais il ne dispose d'aucune autonomie puisqu'il est nommé et révocable par l'assemblée. On retrouve ce régime dans la Constitution du 24 juin 1793 (où l'exécutif est assuré par la Convention), mais aussi en Suisse où le système conventionnel est établi par la Constitution (la pratique se distingue cependant de cette Constitution qui, en droit donne à l'Assemblée fédérale tous les pouvoirs, mais qui en fait voit le pouvoir exécutif assuré par le Conseil fédéral dont le rôle prépondérant dans ce domaine).

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