Conformément à la règle de séparation des ordonnateurs et des comptables, les responsabilités ne se recouvrent pas entièrement. D'une part, le poids de la responsabilité varie selon le poste occupé (elle est plus importante pour les ministres notamment) et d'autre part, il varie selon les activités en question, les comptables ayant comme responsabilité le maniement des fonds publics, leur responsabilité est bien supérieure à celle des ordonnateurs. Pour cette raison, un certain nombre de garanties et d'atténuations ont été mises en place.
1/ Concernant les ordonnateurs, ils doivent respecter les limitations imposées par la loi de finances et les décrets de répartition. L'art. 9 RGCP dispose :
"Les ministres, ordonnateurs principaux de l'Etat, encourent, à raison de l'exercice de leurs attributions, les responsabilités que prévoit la Constitution.
Les autres ordonnateurs d'organismes publics encourent une responsabilité qui peut être disciplinaire, pénale et civile sans préjudice des sanctions qui peuvent leur être infligées par la cour de discipline budgétaire."
Les ordonnateurs principaux encourent une triple responsabilité prévue par la Constitution et par la loi :
- une responsabilité politique : l’Assemblée nationale peut voter une motion de censure (art. 49 C) contre le gouvernement en cas d'irrégularité budgétaire (cette responsabilité est lourde de conséquences et dans les faits, jamais mise en œuvre) ;
- une responsabilité pénale : la loi du 10 août 1922 interdit aux ministres d'engager des dépenses en violation des règles sur le contrôle financier (le dépassement des crédits par exemple). Les ministres sont alors jugés par une juridiction spéciale (art. 68.1 C) qui s’appelle la Cour de justice de la République (procédure engagée contre Christian Nucci pour faux en écriture publique, mais il a bénéficié d’une amnistie) ;
- une responsabilité civile : elle concerne les dépenses engagées irrégulièrement et pour lesquelles le ministre doit payer sur ses deniers personnels. Elle est organisée par de nombreuses lois, mais qui sont souvent inappliquées. Elle n'est jamais mise en œuvre pour des raisons juridiques (déterminer la juridiction compétente) et pratiques (disproportion des sommes en jeu).
Les autres ordonnateurs encourent :
- une responsabilité disciplinaire : les ordonnateurs qui méconnaissent les règles budgétaires peuvent se voir infliger des sanctions disciplinaires (retard dans l'avancement, suspension, révocation) ;
- une responsabilité pénale : elle est organisée comme pour les ministres par la loi de 1922 ;
- une responsabilité civile : elle fonctionne également comme pour les ministres et rencontre les mêmes difficultés.
Les autres ordonnateurs peuvent se voir également infliger des sanctions par la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), juridiction créée en 1948, et notamment des amendes allant de 150 € au montant de leur traitement brut annuel. Mais hormis les cas où les ordonnateurs violent les règles de la comptabilité publique pour leur intérêt personnel, les actions visant à mettre en cause leur responsabilité sont rarement engagées.
2/ Concernant le comptable, du fait de son rôle (il manie les deniers publics), sa responsabilité est plus large que celle de l’ordonnateur. Sa responsabilité pécuniaire est engagée sans qu'il ait nécessairement commis une faute dans l'exercice de ses fonctions. Les comptables sont donc des fonctionnaires soumis à un régime particulier de responsabilité. Normalement, les fonctionnaires ne voient leur responsabilité engagée que pour des fautes personnelles commises dans l'exercice de leurs fonctions. Mais les comptables voient eux leur responsabilité engagée quelle que soit la nature de la faute qu'ils ont pu commettre. Il suffit que leur caisse présente un déficit irrégulier pour que soit présumée l'existence d'une faute, auquel cas, le comptable doit verser sur ses fonds personnels, le montant de la somme manquante.
Selon l'art. 19 RGCP,
"les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des opérations dont ils sont chargés".
Ces opérations sont définies à l'art. 11 RGCP, elles peuvent être résumées à trois missions essentielles pour lesquelles sa responsabilité peut être engagée :
- la garde des fonds publics (recouvrement, paiement, virement) ;
- le tenue de la comptabilité (conservation des justificatifs) ;
- le contrôle (recettes, dépenses, patrimoine).
La responsabilité pécuniaire du comptable peut donc être mise en jeu par le ministre des Finances lorsqu’un déficit est constaté, qu’il manque des deniers ou des valeurs, qu’une recette n’a pas été recouvrée ou qu’une dépense a été irrégulièrement payée. Dans ce cas, le ministre des Finances émet un ordre de reversement qui contraint le comptable à verser la somme correspondante sur ses deniers propres (le comptable doit "se vider les mains"). En cas de non acquittement, le ministre du Budget prend un arrêté de débet (le débet est la somme restante due à l'Etat) qui se substitue à l’ordre de reversement : le comptable est alors mis en débet. Cet arrêt peut être attaqué devant le juge administratif.
Le poids de la responsabilité pécuniaire du comptable a amené le développement d'un système de garantie :
- le cautionnement : lors de son entrée en fonction, le comptable doit s'affilier à l'Association française de cautionnement mutuel, à laquelle il verse une cotisation annuelle (s'il a suffisamment d'argent, il peut déposer cette somme directement à la Caisse des dépôts et consignations). S'il n'est pas en mesure de payer sur ses fonds personnels, l'Association lui avance les fonds et les récupère ensuite sur l'intéressé et sur les mutualistes ; les comptables perçoivent une indemnité pour compenser ces frais ;
- l'assurance personnelle : les comptables peuvent souscrire une assurance volontaire pour couvrir leurs déficits de caisse, moyennant le paiement d'une prime ;
- les privilèges du Trésor sur le comptable : le Trésor dispose d'un privilège sur les biens meubles du comptable et d'une hypothèque légale sur ses immeubles et ceux de son conjoint lorsqu'ils ont été acquis après la nomination dans le poste comptable, sauf s'ils ont été acquis avec les deniers propres du conjoint.
Plusieurs mécanismes ont également assouplis le régime de responsabilité du comptable :
- l'admission en non valeur : si le recouvrement d'une recette par le comptable est impossible à cause d'éléments indépendants de sa volonté (faillite, débiteur insolvable), il peut être déchargé de responsabilité grâce à cette procédure ;
- le paiement sur réquisition : l'ordonnateur peut réquisitionner le comptable et l'obliger à payer une dépense à condition qu'il engage sa responsabilité à la place du comptable ;
- le cas de force majeure : en cas de guerre, de vol, d'incendie, le comptable doit être déchargé de sa responsabilité par le ministre des Finances (le refus du ministre peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir) ;
- la remise gracieuse de débet : si le comptable est dans l'incapacité de payer les sommes dues, il est mis en débet ; ce débet peut être annulé à condition que le comptable invoque sa bonne foi et fasse cette demande au ministre (dont la décision dépend de son bon vouloir) ; toute remise supérieure à 200 000 € reste soumise à l’avis de la Cour des comptes ;
- le sursis de versement : le comptable peut également demander au ministre un temps supplémentaire pour pouvoir s'acquitter de son débet (le sursis est d'une durée maximale d'un an et le comptable dispose d'un délai de 15 jours pour le demander).
Outre le ministre des Finances, qui peut dans certains cas (force majeure) protéger le comptable, la Cour des comptes est également amenée à juger les comptes des comptables. Chaque année, les comptables principaux (TPG) ont l'obligation de déposer leurs comptes auprès de cette Cour. Or selon un adage souvent vérifié, "la Cour des comptes juge les comptes, pas les comptables", ce qui signifie qu'elle ne prend pas en compte les circonstances particulières ayant conduit à la mise en débet du comptable. Ainsi un TPG a pu être mis en débet pour n'avoir pas fait les vérifications nécessaires l'assurant que les pièces justificatives transmises correspondaient bien à une dépenses effective (CE, 1907, Nicolle).
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