jeudi 10 mars 2011

Les contrôles externes des comptables

Les contrôles externes désignent les contrôles a posteriori exercés par les juridictions financières telles que sont la Cour des compte, les Chambres régionales des comptes (CRC) et la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF). Comme pour les contrôles internes, ils peuvent concerner les ordonnateurs et les comptables. La Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes ont la charge du contrôle externe des comptables (et des ordonnateurs déclarés comptables de fait). Les ordonnateurs relèvent de la CDBF.


1/ La Cour des comptes réalise deux missions de contrôle externe
  • un contrôle administratif de gestion : le contrôle annuel de l’exécution des lois de finances et des lois de financement de la Sécurité sociale ; 
  • un contrôle juridictionnel : le jugement à intervalles réguliers (tous les 4 à 5 ans) des comptes des comptables publics de l’Etat et des établissements publics nationaux. 

a) La Cour des comptes a pour fonction de vérifier la régularité des recettes et des dépenses décrites dans les comptabilités publiques. Elle s’assure du bon emploi des fonds et valeurs gérés par les services de l’Etat et les autres personnes morales de droit public. Il s’agit d’un contrôle de la régularité et de la qualité de la gestion publique. Le contrôle de la gestion des ordonnateurs mobilise les sept chambres de la Cour, selon leurs compétences respectives (alors que le jugement des comptes des comptables principaux ne mobilise que la 1ère chambre). 

Ce contrôle de gestion se fait en plusieurs étapes : 
  • le rapport d’instruction : il est écrit par une équipe de magistrats rapporteurs à la suite de contrôles réalisés sur pièces (les pièces justificatives doivent obligatoirement être transmises à la Cour par les comptables publics) et sur place (dans les organismes contrôlés) ; 
  • le rapport provisoire : avec lui commence une procédure contradictoire, il est transmis à l’organisme contrôlé pour qu’il en prenne connaissance et formule ses observations à la Cour. 
La Cour des comptes peut alors : 
  • communiquer des observations et des recommandations sans les publier (via un référé du premier président, un rapport particulier ou encore une note ou une lettre) ; 
  • publier les observations dans son Rapport public annuel (publié en janvier). 
Comme on le voit, ce contrôle de gestion ne prévoit pas de sanction juridique pour les ordonnateurs autre que celle de la publicité de leur gestion (ce qui peut représenter un élément dissuasif). La Cour des comptes se contente de porter à la connaissance des autorités les irrégularités de gestion constatées. Toutefois, il reste toujours possible à ces autorités de prendre les mesures nécessaires pour améliorer la gestion publique. 

Le contrôle de la gestion s’étend à aux entreprises publiques et aux organismes de Sécurité sociale. 

La Cour exerce un contrôle obligatoire sur les opérations de la Caisse des Dépôts et vérifie les comptes et de la gestion des EPIC, des entreprises nationales et des sociétés dans lesquelles l’Etat possède la majorité du capital social (une centaine d’entreprises et plus de mille filiales). Ces entreprises doivent obligatoirement soumettre leurs comptes au contrôle de la Cour des comptes tous les ans. 

La Cour exerce également un contrôle sur les organismes nationaux de Sécurité sociale et les organismes de droit privé jouissant de la personnalité civile et de l’autonomie financière assurant la gestion d’un régime obligatoire (assurance-maladie, maternité, vieillesse, prestations familiales), ainsi que les unions et fédérations de ces organismes de droit privé. Pour ce qui concerne ce contrôle, la compétence de la Cour des comptes s’exerce selon une modalité particulière. Ce sont en fait les Comités départementaux et régionaux d’examen des comptes qui contrôlent les comptes, sous la surveillance de la Cour. 


b) En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des comptables publics, ceux-ci doivent, à chaque exercice, rendre leurs comptes à la Cour des comptes, c’est la reddition des comptes. Les comptables principaux rendent leurs comptes directement à la Cour, et reprennent dans leurs comptes, après vérification, les comptes des comptables secondaires. Une obligation identique de reddition des comptes pèse sur les comptables "de fait". 

La procédure de jugement des comptes se déroule selon l’adage qui veut que "la Cour juge les comptes, pas les comptables". Le jugement doit avoir un caractère objectif et écarter toute considération sur la responsabilité subjective du comptable : 
  • le juge n’a pas à statuer sur ce qui relève du comportement personnel du comptable (CE, 1989, Ministre de l’Economie c/ Vèque) ; 
  • le juge doit néanmoins vérifier que le comptable a bien effectué les contrôles internes lui incombant (CE, 2000, Desvignes). 
La procédure du jugement des comptes est : 
  • inquisitoire : la Cour dirige la procédure et dispose de larges pouvoirs d’investigation, elle est habilitée à se faire communiquer tous les documents relatifs à son contrôle et ses rapporteurs peuvent procéder à des investigations sur pièces et sur place ; 
  • écrite : les échanges entre le contrôleur et le contrôlé se font par échange de correspondance (questionnaires, demandes de pièces complémentaires) ; 
  • contradictoire : le magistrat rapporteur établit un rapport d’instruction (document de travail interne à la cour) et un conseiller-maître effectue une contre-instruction pour s’assurer que les observations et propositions du rapporteur sont fondées ; 
  • secrète : l’instruction n’est pas publique. 
L’influence communautaire s’est récemment faite sentir sur la procédure. Avant 2009, la Cour des comptes pouvait directement mettre en cause la responsabilité d’un comptable ou ouvrir une procédure de gestion de fait. Mais la CEDH a estimé qu’une procédure contradictoire (nécessaire pour se conformer aux exigences d’un procès équitable) supposait que les comptables (patents ou de fait) puissent solliciter une audience publique devant la Cour des comptes (CEDH, 2006, Martinie c/ France). La loi de 2008 relative à la CComptes et aux CRC oblige désormais le président de chambre qui conclurait à l’existence de charges pesant à l’encontre du comptable, de prendre un réquisitoire, communiqué au comptable concerné, afin que celui-ci sache ce qui lui est reproché et puisse organiser sa défense. A compter de ce réquisitoire, la procédure devient contentieuse et pleinement contradictoire : l’instruction repose sur des échanges avec le comptable, par écrit, et à sa demande, par oral. 

La Cour des comptes rend environ 350 arrêts par an qui sont soit : 
  • des décharges : elles donnent acte aux comptables de la régularité de leur gestion, la Cour déclare alors le comptable quitte en prononçant un arrêt de quitus
  • des débets : la responsabilité du comptable est alors engagée. Le comptable doit payer les sommes manquantes avec intérêts (environ 40 arrêts de débets ont été prononcés en 2008). A défaut de ce paiement, le recouvrement forcé est poursuivi sur le cautionnement, puis sur les biens propres du comptable par saisies. 
Suite à une mise en débet, un comptable dispose de plusieurs voies de recours
  • le recours juridictionnel : les arrêts de la Cour des comptes sont insusceptibles d’appel, mais le comptable peut se pourvoir en cassation devant le CE pour incompétence, vice de forme et violation de la loi. Si le jugement est cassé, l’affaire est renvoyée devant les chambres réunies de la Cour des comptes ; 
  • le recours en révision : il est possible contre les erreurs de fait qui ne pouvaient être connues de la Cour lorsqu’elle a statué ; 
  • le recours par voie administrative : c'est par exemple la demande au ministre des Finances d'une décharge de responsabilité en cas de force majeure ou encore la demande d'une remise gracieuse du débet (prise pas le ministre des Finances après avis de la Cour des comptes). 

2/ Les Chambres régionales des comptes (CRC) ont été créées en 1982 afin de juger les comptes des comptables publics des collectivités territoriales et de leurs établissements publics locaux (les EPCI, les sociétés d’économie mixte locale, etc.). Comme la Cour des comptes, elles ont  :
  • une mission de contrôle de la gestion : elles contrôlent les comptes et la gestion des collectivités locales et de leurs démembrements ;
  • une mission juridictionnelle : elles jugent les comptes de leurs comptables publics et peuvent aussi  se voir confier par la Cour des comptes le jugement des comptes de certains établissements publics nationaux (universités, CROUS, IUFM par exemple) via un arrêté du Premier président de la Cour des comptes. 
Comme pour les contrôles réalisés par la Cour des comptes, les contrôles se déroulent sur pièces et sur place. Ils se concluent par un rapport d’instruction qui fait l’objet d’une délibération de la chambre. Un rapport d’observations provisoires est ensuite adressé à l’organisme contrôlé afin de recueillir ses observations. A l’issue de cette phase contradictoire, la chambre établit un rapport d’observations définitives qui est communiqué à l’organisme contrôlé et systématiquement publié. Il doit faire l’objet d’un débat de l’assemblée délibérante de la collectivité contrôlée. Le président de la chambre régionale peut également adresser des observations aux comptables publics. 

Le procureur financier près la chambre régionale peut, comme à la Cour des comptes, requérir l’engagement de la responsabilité du comptable et engager une procédure pour gestion de fait, saisir le parquet de faits délictueux ou encore la CDBF. 

L’effectif des CRC est assez réduit, ce qui limite le nombre de contrôles approfondis de la gestion conduisant à un rapport d’observations définitives. Dans la plupart des cas, les CRC procèdent seulement à un contrôle sur pièces ciblé sur la comptabilité et destiné à juger le compte du comptable public. 

La Cour des comptes est juge d’appel des jugements rendus par les CRC (environ 40 arrêts rendus par an). L’appel est ouvert contre les jugements des CRC dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. L’examen de l’appel est réalisé par la 4e chambre de la Cour des comptes.

A noter que le projet de loi de 2009 portant réforme des juridictions financières prévoyaient à l'origine la fusion des CRC au sein de la Cour des comptes. Mais il a rencontré une opposition à la fois des parlementaires (à cause de la remise en cause de l'immunité politique des ministres et des élus locaux devant la CDBF) et des syndicats (réduction du nombre de CRC de 22 à 5 et réduction des effectifs de 20 %). Sa nouvelle rédaction proposée par Didier Migaud en juillet 2010 abandonne le projet de fusion, mais n'a pas permis de débloquer le texte, cette fois, à cause de la volonté des parlementaire de réinscrire la responsabilité des ministres dans le projet de loi suite à l'affaire Woerth (cf. l'article sur Acteur public : http://www.acteurspublics.com/article/03-03-11/pas-pressees-de-se-reformer).

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