vendredi 4 mars 2011

L’emprunt

L’emprunt permet à l’Etat de faire face à ses dépenses qui ne sont pas couvertes par les ressources budgétaires classiques (impôts ou produits du domaine). Il peut recourir à l'emprunt selon des modalités particulières qui sont exorbitantes du droit commun. Il comble de cette manière ses besoins de financement à court terme qui sont rendus nécessaires par les rythmes différents de l’exécution des recettes et des dépenses, mais aussi ses besoins de financement à moyen-long terme qui peuvent survenir lorsque le solde budgétaire est déficitaire ou lorsqu'il a besoin de financer une politique budgétaire expansionniste. 


1/ La nature juridique de l’emprunt est celle d'un contrat administratif. 


a) L’emprunt émis par l’Etat s’analyse comme un contrat conclu entre lui (ou le Trésor public) et un souscripteur (personne physique ou morale). Les caractéristiques de l’emprunt (durée, taux, modalités de remboursement) sont fixées unilatéralement par l’Etat, c’est un contrat d’adhésion qui nécessite l’accord du souscripteur (contrairement à l’impôt qui est imposé au contribuable) puisque personne n’est obligé de souscrire à l’emprunt. 

Le silence de la jurisprudence a invité, tout d’abord, la doctrine à considérer l’emprunt comme un contrat administratif en raison de : 
  • ses éléments internes : il peut contenir des clauses exorbitantes telles que les avantages fiscaux de l’emprunt Pinay ou de l’indexation sur l’or de l’emprunt Giscard ; 
  • ses éléments externes : il obéit à un régime exorbitant qui tient à la manière dont il est mis en place : autorisé par la loi de finances, les caractéristiques de l’emprunt sont définies par décret et ses modalités techniques sont établies par un arrêté du ministre des Finances. 
Il est toutefois possible de constater un rapprochement avec le régime applicable aux grandes entreprises en raison de la banalisation croissante du recours à l’emprunt. D’ailleurs, les emprunts des collectivités territoriales sont déjà considérés comme des contrats de droit privé car ils ne comportent pas de clauses exorbitantes du droit commun (Cass. civ. 1re, 1992, Compagnie La Mondiale contre Ville de Roubaix). 


b) Le principal avantage des emprunts d’Etat réside dans la sécurité qu’ils offrent aux souscripteurs et qui est liée à la qualité de la solvabilité de l’émetteur. Les titres d’Etat constituent ainsi des valeurs-refuges pour les investisseurs (c’est le phénomène de "flight to quality" : fuite vers la qualité, que l’on a retrouvé lors de la crise de 2008). Ils font l’objet d’une évaluation par les agences de notation (Moody’s Standard and Poors) qui influence le comportement des investisseurs. 


c) Pour réduire son endettement, l’Etat est conduit à utiliser des techniques qui révèlent l’importance des prérogatives de puissance publique
  • l’offre d’échange ou conversion : elle permet de réduire les intérêts de la dette. L’Etat offre la possibilité aux souscripteurs d’échanger leurs titres anciens contre de nouveaux titres. Cet échange permet à l’Etat de ne pas rembourser ses anciens titres tout en réduisant les intérêts d’emprunt. Le souscripteur bénéficie en échange de nouveaux avantages qui peuvent se révéler plus rémunérateurs ou plus intéressants pour lui (en prenant la forme d’avantages fiscaux). Par exemple, l’emprunt Pinay des années 50 a été converti en emprunt Giscard en 1973 : en échange de la suppression des avantages de l’emprunt Pinay (exonération des droits de succession), les souscripteurs ont vu leurs titres indexés sur l’or, ce qui s’est rendu in fine très onéreux pour l’Etat à cause des chocs pétroliers et de la forte montée des cours de l’or ; 
  • l’amortissement anticipé : il permet de réduire le capital de la dette en le remboursant par anticipation. Il suppose que l’Etat dispose de ressources suffisantes. Il suppose également que le contrat d’émission de l’emprunt mentionne les conditions d’application de cet amortissement, car l’Etat ne peut pas l’imposer aux porteurs (certains décrets d’émission tels que l’emprunt Giscard, ont exclu cette procédure, d’autres tels que l’emprunt Pinay l’ont prévu). 

d) Enfin, lorsque l’Etat n’a pas la capacité d’attirer spontanément les souscripteurs ou de leur proposer de coûteux avantages, il peut recourir à l’emprunt forcé. Il se fait sans l’accord des souscripteurs, mais avec remboursement et paiement d'intérêts. Il existe deux sortes d’emprunt forcé : 
  • les emprunts libératoires : les contribuables ont la possibilité de transformer une partie de leur impôt en emprunt (pour financer les indemnités payées aux agriculteurs victimes de la sécheresse, une loi de 1976 a instauré une majoration exceptionnelle de l’impôt sur le revenu, appelé impôt sécheresse, laissant la possibilité aux contribuables de se libérer de ce supplément en souscrivant à un emprunt ; 
  • les emprunts obligatoires : à la différence des emprunts libératoires, ils excluent tout choix du souscripteur. L’emprunt Delors de 1983 fonctionnait sur ce mécanisme : à la suite du réajustement des parités monétaires européennes, un emprunt obligatoire avait été émis obligeant les plus importants contribuables à l’impôt sur le revenu d'y souscrire. En juillet 2009, le président et le rapporteur général de la Commission des finances du Sénat (respectivement Jean Arthuis et Philippe Marini) ont plaidé en faveur de la création d’un tel emprunt compte tenu de la situation économique et budgétaire. 

2/ La couverture des besoins de financement peut se faire à court terme ou à moyen-long terme. 


a) Les emprunts à long et moyen terme sont toujours largement utilisés, mais leurs modalités ont profondément changé. Certaines techniques ont aujourd’hui disparu :
  • les emprunts perpétuels : le capital des souscripteurs n'est pas remboursé en échange d’une rente perpétuelle (le dernier a été émis en 1949 et remboursé en 1987) ; 
  • les emprunts amortissables : ils sont de très longue durée (de 50 à 75 ans) en échange d'avantages fiscaux importants. Ils ont disparus car ils étaient coûteux pour les dépenses publiques. Le dernier exemple est l’emprunt Pinay, il fit l’objet d’une conversion en 1973 sous le nom d’emprunt Giscard, puis il fut remboursé par anticipation en 1988. 
Ces emprunts à long terme étant coûteux, ils furent par la suite émis pour une durée plus courte et selon la technique de syndication. Cette nouvelle technique chargeait un syndicat d’établissements bancaires du placement dans le public de l’emprunt en contrepartie d’une commission versée par le Trésor. Mais elle se révéla peu adaptée à l’évolution des marchés financiers. En outre, certains grands emprunts d’Etat lui coutèrent très chers : l’emprunt Giscard indexé sur le lingot d’or rapporta 1 Md en 1973, mais coûta à son échéance, en 1988, plus de 13 Mds. 


b) L’Etat émet à présent des emprunts d’une durée plus courte
  • les obligations assimilables du Trésor (OAT) : émises pour une durée de 7 à 15 ans, (extensible de 30 à 50 ans lorsqu’il s’agit d’attirer de gros investisseurs institutionnels en souscrivant des volumes importants pour constituer une épargne retraite par exemple) les OAT servent à couvrir les besoins de financement à long terme. Elles sont dites assimilables en raison de la possibilité de les rattacher à une tranche d’emprunt émise antérieurement et dont elles reprennent les caractéristiques. Elles sont généralement à taux fixe et sont émises selon la technique de l’adjudication à la hollandaise (ou adjudication à prix demandé) qui revient à mettre en concurrence des souscripteurs (banques nationales et étrangères) faisant chacun des offres de prix (taux d’intérêt, commission) ; 
  • les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts annuels (BTAN) : émis pour une durée de 2 à 5 ans, ces titres servent à couvrir les besoins de financement à moyen terme. Ils sont émis dans des conditions quasi identiques à celles des OAT. 
  • les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) : émis pour une durée de 3 mois, 6 mois ou 1 an, ils sont destinés à couvrir les besoins de trésorerie de l’Etat, notamment infra-annuels, nécessités par l’obligation de payer les dépenses alors que les recettes fiscales sont insuffisantes. Ils sont à intérêts précomptés, car les intérêts sont payés à l’avance. L’encours des BTF varie tout au long de l’année, il est fort en été et diminue en fin d’année, grâce aux rentrées fiscales.

Encours (ensemble des sommes prêtées) de la dette négociable en janvier 2011 :

  • OAT                           827 Mds €
  • BTAN                        220 Mds €
  • BTF                           187 Mds €
  • Dette négociable     1 233 Mds €




N.B. : la dette de l'Etat (cf. la fiche : La dette de l'Etat) comprend :

  • la dette négociable : dette contractée sous formes d’instruments financiers échangeables sur les marchés (obligations et bons du Trésor) ; 
  • la dette non négociable : ce sont les dépôts des correspondants du Trésor, organismes ou particuliers qui, soit en application des lois ou règlements, soit en vertu de conventions, déposent à titre obligatoire, des fonds au Trésor et qui sont principalement les collectivités territoriales.

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A consulter : le site de l'Agence France Trésor qui est l'organisme chargé de gérer la dette de l'Etat,

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