lundi 28 février 2011

Le pouvoir réglementaire en matière budgétaire

C. Lagarde, ministre des
Finances.
Pour exécuter la loi de finances initiale, le Gouvernement dispose d'une marge de manœuvre lui permettant de supprimer ou de bloquer certains crédits. Il dispose ainsi, en matière budgétaire, d'un pouvoir réglementaire d'adaptation pour pouvoir faire face à des situations exceptionnelles. Si du point de vue des ressources, les services fiscaux ont l'obligation de percevoir tous les impôts, du point de vue des dépenses, le Gouvernement n'est en aucun cas soumis à une obligation de dépenser. Il peut en effet modifier l’autorisation de dépenser conférée par le Parlement. Une fois la loi de finances votée, il prend des décrets de répartition (qui sont l’équivalent des décrets d’application des lois ordinaires) qui mettent les crédits votés à disposition des ministères. Le Gouvernement est en principe tenu par ces décrets qui vont servir de base pour l’élaboration des documents budgétaires de référence pour les ministères (les verts budgétaires). 

La LOLF habilite le Gouvernement à modifier : 
  • la répartition des crédits votée par le Parlement ; 
  • le montant de ces mêmes crédits. 

1/ Il existe trois procédures de modification de la répartition des crédits : 
  • les crédits globaux (art. 11 LOLF) : ils n’ont aucune affectation précise et peuvent être utilisés pour augmenter les crédits d’autres programmes en raison de situations exceptionnelles. Ils sont inscrits dans la mission "Provisions" et peuvent être utilisés en cas de dépenses exceptionnelles ou de hausse imprévue des rémunérations publiques (260 millions € dans le PLF 2011) ; 
  • les virements de crédits (art. 12-I LOLF) : dans une limite d'une variation de 2% de la masse des crédits de chaque programme, des virements peuvent être effectués d'un programme à l'autre au sein d'un même ministère. Les programmes ayant une finalité différente, les crédits changent de nature : si l’on constate un déséquilibre entre deux programmes au sein d’une mission (l’une en excédent, l’autre en déficit), il est possible d’opérer un virement d’une partie du programme pour augmenter les crédits de celui qui en a besoin. Ces virements sont réalisés par décret pris sur le rapport du ministre des Finances après information des commissions des finances et des autres commissions concernées. En outre, un compte rendu spécial sur l’utilisation des crédits virés figure dans le Rapport annuel de performance (RAP) du programme concerné. 
  • les transferts de crédits (art. 12-II LOLF) : ils modifient la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts, mais en conservant une dépense de même nature (l’emploi des crédits transférés doit correspondre aux actions du programme d’origine). En fait, la dépense est la même, seul le ministère chargé de la dépense change. Comme les virements, les transferts sont réalisés par décret, pris après avis des commissions des finances et un compte rendu spécial doit se trouver dans le RAP des programmes concernés. 

2/ Il existe également trois procédures de modification du montant des crédits : 
  • les décrets d'avance (art. 13 LOLF) : en cas d’urgence, le Gouvernement peut prendre des décrets d’avance ouvrant des crédits supplémentaires pour financer des dépenses nouvelles. La procédure normale est celle des lois de finances rectificative (LFR), mais comme il s'agit d'une procédure lourde, il peut être nécessaire de prendre des décrets autorisant de nouvelles dépenses en urgence. Les décrets d'avances doivent être pris après avis du Conseil d’Etat et avis des commissions des finances dans un délai maximum de 7 jours, après saisine du projet de décret. Leur utilisation reste très encadrée car ils ne doivent pas porter atteinte à l’équilibre budgétaire défini par la loi de finances : les décrets d’avance doivent donc soit procéder à des annulations de crédits (dans la limite de 1,5 % de la masse budgétaire), soit trouver des recettes supplémentaires. Dans tous les cas, le montant cumulé des ouvertures ne peut excéder 1 % de la masse budgétaire définie par la loi de finances et les décrets d’avance doivent être ratifiés dans le plus prochain projet de loi de finances (loi de finances rectificatives ou loi de règlement). Une procédure plus souple est également possible en cas de nécessité impérieuse d’intérêt national (simple information des commissions des finances, possibilité de porter atteinte à l'équilibre budgétaire). De manière générale, on peut remarquer un recours accru à ces décrets d'avance depuis 2003 (avant 2/an, ensuite 4 à 5), ce qui est souvent lié à une sous-évaluation des besoins ; 
  • les annulations de crédits (art. 14 LOLF) : elles permettent d'annuler les crédits devenus sans objet. Ces annulations ne peuvent pas dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours. Le décret d'annulation est transmis pour information aux commissions des finances ainsi qu'à celles concernées par l'annulation des crédits. De manière générale, le Gouvernement doit informer le Parlement de sa politique de régulation budgétaire qui consiste à gérer le niveau de consommation des crédits (blocages éventuels annonciateurs d'annulation de crédits) ; 
  • les reports de crédits (art. 15 LOLF) : normalement, en fin d'exercice, les crédits inutilisés ne peuvent pas être reportés sur l'exercice suivant et sont donc annulés. Toutefois, pour éviter le gaspillage, la LOLF prévoie des autorisations de reports de crédits sur l'exercice suivant : 
    • les autorisations d'engagement (AE), qui désignent la limite supérieure des crédits pouvant être engagées sur l'année, peuvent être reportées sur le même programme (ou sur un programme poursuivant les mêmes objectifs) ; ce report aura pour effet de majorer à due concurrence les crédits de l'année suivante ; 
    • les crédits de paiement (CP), qui désignent la limite supérieure des crédits pouvant être payés ou ordonnancés sur l'année, peuvent être reportés sur le même programme (ou sur un programme équivalent) dans la limite de 3% des crédits initiaux ; ce plafond peut être augmenté par une disposition de loi de finances (sauf pour les dépenses de personnel) ; 
    • les fonds de concours (FC), qui sont les dons en faveur de l'intérêt public, peuvent être reportés sur l'exercice suivant. 
Ces reports de crédits sont effectués par arrêté ministériel conjoint (ministre des finances et ministre intéressé). Pour éviter les reports tardifs, les arrêtés de report doivent être publiés avant le 31 mars de l'année qui suit l'année à la fin de laquelle les crédits ont été non utilisés. 

Enfin, le ministre des Finances intervient également dans deux domaines (art. 17 LOLF) : 
  • les attributions de produits (par décret) : lorsque des recettes sont retirées de la rémunérations de prestations fournies par l'Etat ; 
  • les rétablissements de crédits (par arrêté) : ce sont pour la plupart des sommes d'argent indûment payées et reversées au Trésor (exemple : le reversement par un fonctionnaire qui aurait été payé deux fois du trop perçu).

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