Avocat plaidant. Extrait du film 10e Chambre de R. Depardon. |
De manière générale, les droits de la défense sont les prérogatives qu'une personne possède pour se défendre lors d'un procès. En droit public français, ces droits constituent des droits fondamentaux garantis par la Constitution. Ils sont apparus en 1905 suite à l'affaire des fiches. Ils ont ensuite été érigés en principe (CE, 1944, Dame veuve Trompier-Gravier), puis en principe général du droit (CE, 2006, Matringhem). Le principe du respect des droits de la défense était reconnu en procédure contentieuse (CE, 1913, Téry), mais avec l'arrêt Dame veuve Trompier-Gravier, il se trouve désormais étendu à la procédure administrative non contentieuse. Il est aussi qualifié de principe du contradictoire.
1/ La genèse du principe du contradictoire remonte à l'affaire des fiches de 1905.
A/ L'affaire des fiches désigne une opération de fichage politique et religieux dans l'armée française au début du XXe siècle. Elle fut réalisée par des loges maçonniques du Grand Orient de France à l'initiative du Général André, ministre de la Guerre.
L'objectif de ce fichage était de se renseigner sur les opinions politiques et religieuses des officiers dans le but de républicaniser l'armée. Les loges maçonniques du Grand Orient de France, dont l'obédience est à l'époque pleinement engagée dans la lutte pour la séparation de l'Église et de l'État, viennent en aide au ministre de la Guerre, à sa demande, afin de concevoir ce fichier. L'idée est ensuite d'écarter sur le tableau d'avancement les officiers dont l'appartenance à l'Eglise est établie ou supposée.
La révélation de cette affaire à la Chambre par un député déclenche un scandale politique qui conduit à la démission du Général André.
L'objectif de ce fichage était de se renseigner sur les opinions politiques et religieuses des officiers dans le but de républicaniser l'armée. Les loges maçonniques du Grand Orient de France, dont l'obédience est à l'époque pleinement engagée dans la lutte pour la séparation de l'Église et de l'État, viennent en aide au ministre de la Guerre, à sa demande, afin de concevoir ce fichier. L'idée est ensuite d'écarter sur le tableau d'avancement les officiers dont l'appartenance à l'Eglise est établie ou supposée.
La révélation de cette affaire à la Chambre par un député déclenche un scandale politique qui conduit à la démission du Général André.
B/ Sur le plan juridique, les fonctionnaires de l'époque n'ont pas encore de statut protecteur. Ils sont considérés comme des agents du gouvernement.
En outre, les militaires ont un rôle et un statut très particulier sous la IIIe République puisqu'ils ne votent pas et n'ont pas le droit d'exprimer publiquement des opinions politiques durant leur service actif.
Paradoxalement, le Général André avait donc le droit – du moins dans l'idée des prérogatives politiques de l'époque – du gouvernement sur ses agents, bien qu'il soit ici tout de même aux limites de la légalité de faire surveiller ses officiers, y compris dans leur vie privée, au nom de l'intérêt supérieur de l'État. Aucune poursuite judiciaire ne sera d'ailleurs intentée contre lui.
Un certain nombre d'innovations juridiques destinées à améliorer la transparence de l'action administrative vont néanmoins voir le jour suite à cette affaire. C'est le cas de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 qui autorise les agents publics, avant toute mesure disciplinaire notamment, de consulter l'intégralité de leur dossier.
Cet article de loi sert ensuite à la construction d'une jurisprudence qui érige l'obligation de respecter les droits de la défense en principe général (CE, 1944, Dame veuve Trompier-Gravier, attention : les PGD ne sont consacrés qu'avec CE, 1945, Aramu).
2/ Le principe du respect des droits de la défense impose à l'administration de suivre une procédure contradictoire avant d'arrêter une mesure prise en considération de la personne à l'égard d'un administré.
A/ Dans CE, 1944, Dame veuve Trompier-Gravier, Mme Trompier-Gravier s'était vu retirer l'autorisation de vendre des journaux dans un kiosque du boulevard Saint-Denis à Paris. Elle saisit le Conseil d'État d'un recours contre cette décision de retrait. Le CE lui donna raison en jugeant que cette justiciable devait être à même de discuter les griefs formulés à son encontre. Il affirma ainsi que l'administration n'avait pas respecté le principe du respect des droits de la défense en ne lui permettant pas de s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés.
2/ Le principe du respect des droits de la défense impose à l'administration de suivre une procédure contradictoire avant d'arrêter une mesure prise en considération de la personne à l'égard d'un administré.
A/ Dans CE, 1944, Dame veuve Trompier-Gravier, Mme Trompier-Gravier s'était vu retirer l'autorisation de vendre des journaux dans un kiosque du boulevard Saint-Denis à Paris. Elle saisit le Conseil d'État d'un recours contre cette décision de retrait. Le CE lui donna raison en jugeant que cette justiciable devait être à même de discuter les griefs formulés à son encontre. Il affirma ainsi que l'administration n'avait pas respecté le principe du respect des droits de la défense en ne lui permettant pas de s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés.
L'arrêt Dame veuve Trompier-Gravier étend la garantie procédurale du principe du contradictoire à toutes les mesures prises par l'administration à condition que soient réunies deux conditions :
- la mesure doit prendre, pour la personne visée, le caractère d'une sanction ;
- elle doit être, pour l'intéressé, suffisamment grave.
B/ Cette jurisprudence a ensuite été étendue à un grand nombre de situations :
- en matière disciplinaire : tout fonctionnaire menacé d'une mesure administrative grave ou d'une sanction doit pouvoir se défendre (CE, 1938, Coache ; CE, 1962, Dame Ruard). Le dossier du fonctionnaire doit être communiqué même lorsqu'il s'agit de "mesures prises en considération de la personne" qui n'ont pas le caractère de sanction, mais qui ont une connotation négative, et ce, même s'il s'agit d'un emploi à la discrétion du gouvernement (CE, 1949, Nègre) ;
- en matière de décisions défavorables à l'intéressé : une procédure contradictoire est nécessaire pour toute mesure défavorable à l'administré. Par exemple, le déclassement d'un vin AOC au motif qu'il ne correspond plus aux exigences de qualité requises ne peut entrer en vigueur qu'après la possibilité offerte au propriétaire de discuter l'avis des experts (CE, 1980, Société des établissements Cruse). Ou encore : une décision qui impose des contraintes à une entreprise pour protéger le libre jeu de la concurrence doit pouvoir au préalable s'expliquer (CE, 1999, Société Interbrew).
- en matière de mesures prises en considération de la personne : les mesures qui ne revêtent pas le caractère de sanction et qui présentent une gravité suffisante pour la personne sont également soumises au respect du principe du contradictoire. Par exemple, pour les décisions par lesquelles les caisses de sécurité sociale décident le reversement de sommes par les médecins (CE, 1997, Association nationale pour l'éthique de la médecine libérale et autres).
C/ Cependant cette jurisprudence ne joue pas pour les mesures prises dans un but d'intérêt général (CE, 1958, Société des Laboratoires Geigy : cas de retrait d'une spécialité pharmaceutique) ou dans l'intérêt du service public.
Même si le décret du 28 novembre 1983 a étendu le champ du principe de respect des droits de la défense aux mesures de police, les mesures de police prises sous l'empire de l'urgence en cas de circonstances exceptionnelles ou les mesures prises en vertu d'une nécessité d'ordre public restent toutefois en dehors (CE, 1990, SARL Pub 90).
D/ Le respect des droits de la défense comporte plusieurs exigences essentielles :
- l'intéressé doit être informé suffisamment tôt de ce qu'une mesure va être prise à son encontre et des faits retenus contre lui, de manière à être en mesure de préparer sa défense ;
- lorsque les textes prévoient la communication à l'intéressé de son dossier, elle doit être intégrale ;
- en matière disciplinaire, l'intéressé peut se faire assister d'un avocat, sauf si les textes en disposent expressément autrement.
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