samedi 11 décembre 2010

Le pouvoir de nomination

N. Sarkozy et M. Charasse qu'il a
nommé en 2010
au Conseil constitutionnel.
Le pouvoir de nomination recouvre à la fois la capacité de nommer aux emplois publics ainsi que la liberté de choisir les hommes qui exerceront les fonctions clefs au sein de la République. Il est détenu principalement par le président de la République qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation (même si la révision de 2008 est venue encadrer en partie ce pouvoir), mais aussi par le Premier ministre et par les ministres. Outre l'art. 13 C, l'ordonnance organique du 28 novembre 1958 qui fait application de cet article, renseigne sur l'étendue du pouvoir de nomination du président de la République, du Premier ministre et des ministres.


1/ Le pouvoir de nomination est une compétence du président de la République qui demeure encadré par la Constitution.


A/ Selon l'art. 13 al. 2 C, le président de la République "nomme aux emplois civils et militaires de l'État". Il détient donc une compétence de droit commun qui correspond au rôle régalien du chef de l'Etat. Dans tous les cas cependant, le contreseing du Premier ministre et des ministres responsables est nécessaire.

Les nominations se font soit : 
  • en Conseil des ministres : ce sont les nominations aux emplois à la discrétion du gouvernement, c'est-à-dire dont le président et le gouvernement sont les seuls juges. Ces emplois représentent des fonctions importantes et des enjeux politiques forts ; 
  • en dehors du Conseil des ministres : ce sont les nominations de fonctionnaires de haut niveau dont le recrutement est assuré, dans la plupart des cas, par concours, et qui sont entérinés par un décret du président de la République. 

B/ Les nominations en Conseil des ministres sont énumérées à l'art. 13 al. 3 C :
"les conseillers d'État, le grand chancelier de la Légion d'honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des comptes, les préfets, les représentants de l'Etat dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales, sont nommés en Conseil des ministres"
L'art. 13 al. 4 C renvoie à une loi organique (la LO de 1958 citée en introduction) "les autres emplois auxquels il est pourvu en conseil des ministres" qui sont les emplois de procureur général près de la Cour de Cassation, la Cour des comptes et les cours d'appel, mais aussi les emplois de direction d'établissements publics, entreprises publiques et sociétés nationales (plus d'une centaine de dirigeants). Même si le gouvernement dispose d'une large liberté d'appréciation dans la nomination de ces emplois, il doit tenir compte des qualités professionnelles et respecter le principe d'égal accès aux emplois publics (CC, 1984, Loi relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public). Ses décisions restent soumises par ailleurs au contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation (CE, 1988, Bleton).


C/ Les nominations en dehors du Conseil des ministres concernent de nombreux fonctionnaires de haut niveau. Il s'agit des membres du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, les magistrats de l'ordre judiciaire, les professeurs de l'enseignement supérieur, les officiers et les membres des corps dont le recrutement est assuré par l'Ecole nationale d'administration (ENA), les membres du corps préfectoral et les ingénieurs recrutés au travers de l'Ecole polytechnique. La marge de choix du président est néanmoins plus réduite que pour les nominations en Conseil des ministres puisque le rôle du président se borne le plus souvent à entériner les résultats d'un concours.


2/ L'encadrement constitutionnel du pouvoir de nomination du président de la République a été renforcé par la révision constitutionnelle de 2008. 


A/ La révision de 2008 a introduit une innovation importante : une procédure d'avis par les commissions parlementaires décrite à l'art. 13 al. 5 C :
"Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée." 
Cet ajout est destiné à favoriser le contrôle du Parlement et à conférer davantage de transparence aux choix réalisés par le président de la République. Le caractère public de l'avis des commissions lui donne une certaine portée, même si elle ne concerne pas les nominations aux emplois régaliens de l'art. 13 al. 3 C, mais seulement les nominations des emplois concernant certaines autorités administratives indépendantes assurant la garantie des droits et des libertés ou les emplois de direction des établissements ou des entreprises publics importants pour la vie économique et sociale, ainsi que la nomination des membres du Conseil constitutionnel et des personnalités qualifiées pour siéger au Conseil supérieur de la magistrature (que les nominations soient faites par le président de la République ou les présidents de chambre).

Ces commissions disposent d'un droit de veto puisque si les trois cinquièmes des suffrages exprimés par les parlementaires siégeant en commission se trouvent réunis (les votes à l'Assemblée nationale et au Sénat sont additionnés), une majorité qualifiée peut s'opposer à la nomination prévue.


B/ L'ordonnance organique de 1958 précise la liste des emplois nommés en Conseil des ministres par le chef de l'Etat, ainsi que la liste des corps dont les membres sont nommés par décret du président de la République sans l'intervention du Conseil des ministres.

Elle précise également que le pouvoir de nomination peut être délégué au Premier ministre par décret du président de la République pour les emplois dont un texte supérieur ne réserve pas ce pouvoir au président de la République (mais en pratique la délégation de ce pouvoir est rare).

Elle indique enfin que les textes législatifs et réglementaires peuvent confier un pouvoir de nomination aux ministres ou aux autorités subordonnées dans un but de simplification et de déconcentration administrative. Cette indication permet notamment aux ministres de nommer les agents relevant de leur autorité.

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