jeudi 3 mars 2011

Les prélèvements sur recettes

Les prélèvements sur recettes (PSR) désignent la part des recettes brutes de l’Etat qui bénéficie à l’Union européenne et aux collectivités territoriales. Ils sont autorisés par l’art. 6 LOLF
"Un montant déterminé de recettes de l’État peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de l'État sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte." 
Une évaluation de ces prélèvements doit obligatoirement figurer dans la première partie de la loi de finances (art. 34.I.4° LOLF). Dans le PLF 2011, les PSR sont estimés à 73 Mds € (18 Mds pour l'UE et 55 Mds pour les collectivités territoriales). Bien que le PLF ne les mentionne pas comme des PSR, il est possible de considérer que les remboursements et dégrèvements d'impôts en sont aussi (82 Mds). Ils sont aussi des prélèvements cachés, puisqu’il s’agit moins de recettes que de dépenses (dépenses fiscales) qui augmentent les dépenses publiques. La dépense fiscale permet de contourner la critique de l’augmentation des dépenses en accordant des remboursements d’impôts.

Les PSR font l’objet de critiques régulières. La Cour des comptes estime notamment que leur mode de présentation dans la loi de finances est inadapté (entorse à certaines règles posées par la LOLF comme le principe d’universalité qui veut que l’intégralité des dépenses et des recettes soit inscrite pour les montants bruts).


1/ Le budget de l’Union européenne est alimenté par des ressources propres (les droits agricoles prélevés sur les importations de produits agricoles dans le cadre de la PAC et les droits du tarif douanier commun), mais la grande part des ressources (87%) est assurée par les contributions des Etats membres : 
  • une part de la TVA : elle est calculée par application d’un taux maximal de 0,30 % à une assiette uniforme pour tous les Etats selon des règles visant à neutraliser les inégalités de consommation (environ 12 % du budget communautaire) ; 
  • une part de chaque Etat dans le PNB communautaire : mise en place en 1988, la ressource PNB, devenue en 2003, la ressource RNB (revenu national brut), est une contribution à la charge des Etats proportionnelle à leur quote-part dans le RNB agrégé de l’UE (elle représente 75 % des ressources, elle permet donc d’équilibrer le budget communautaire). 
En 2011, le gouvernement français contribue au financement de l’UE pour 18 Mds €, dont 4 Mds pour la part de TVA et 14 pour la part de PNB. Cette contribution porte la part de la France dans le financement du budget communautaire à 17 %, (il est de 20 % pour l’Allemagne, mais de seulement 11 % pour le Royaume-Uni). La France bénéficie en retour d’environ 14 % des dépenses communautaires, l’Allemagne reçoit 11 % et le Royaume-Uni 7 %, dépenses qui s'élèvent à 126 Mds € pour 2011. A noter que l’Espagne, la Grèce et le Portugal reçoivent davantage que ce que leur coûte le financement du budget communautaire. 

Dans le cadre de la "norme zéro valeur" qui s’applique depuis le PLF de 2011 à toutes les dépenses hormis celles liées à la dette et aux pensions, les dépenses de l’Etat ne doivent pas augmenter en valeur, c’est-à-dire même compte tenu de l’inflation (elle est plus contraignante que "la norme zéro volume" mise en place par le PLF de 2003 et qui ne tient pas compte de l’inflation). En 2011, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne connaît une évolution limitée (+3% par rapport à 2010), reflétant l’engagement des pays membres de l’Union européenne de contenir les dépenses du prochain budget communautaire et de le faire ainsi participer aux efforts d’assainissement des finances publiques nationales. 


2/ Les prélèvements sur recette au profit des collectivités territoriales sont apparus pour la première fois dans la loi de finances pour 1969. L’art. 27 du PLF 2011 revient sur l’évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales. Ils sont au nombre de 23 et leur montant total est évalué à 55 Mds € pour 2011. Ils se répartissent en trois catégories : 
  • les concours financiers : ils constituent une aide de l’Etat aux collectivités territoriales ; 
  • les prélèvements à caractère compensatoire : ils représentent la contrepartie de charges imposées par la loi aux collectivités territoriales ; 
  • les affectations de recettes : certains produits ou fraction de produits sont réservés aux collectivités territoriales. 

a) Parmi les concours financiers, le prélèvement le plus important est la dotation globale de fonctionnement (DGF). Elle s’élève à 41 Mds €. C’est aussi le plus important prélèvement réalisé sur les recettes de l’Etat au profit des collectivités territoriales. Elle bénéficie aux communes et aux groupements de communes (23 Mds), aux départements (12 Mds) et, depuis 2004, aux régions (5 Mds) selon des critères de calcul tels que la population ou la superficie. Elle comprend une part forfaitaire et une part affectée à la péréquation pour compenser les inégalités entre collectivités.

Les autres concours financiers sont les dotations pour les collèges (départements) et les lycées (régions) ou encore la dotation élu local qui est destinée à aider les communes rurales de moins de 1 000 habitants à faire face aux charges résultants des conditions d’exercice des mandats locaux. 


b) Parmi les prélèvements à caractère compensatoire, le plus important est le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) qui représente 6 Mds €. Il compense la TVA payée par les collectivités territoriales sur certaines de leurs dépenses d’investissement réalisées au cours de l’avant-dernière année. Pour donner lieu à compensation, les dépenses doivent être réalisées directement par la collectivité ou pour son compte dans le but d’enrichir son patrimoine propre à titre définitif, ce qui exclut les achats de biens ou services et les travaux réalisés pour le compte de tiers. La TVA est en grande partie remboursée par l’Etat avec un décalage de deux ans.

Vient ensuite la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale qui représente environ 2 Mds € et qui vise à compenser les exonérations (personnes non imposables à l’impôt sur le revenu) ou les dégrèvements (bénéficiaires du RSA) en matière d’impôts locaux (taxe d’habitation et taxes foncières). Il faut ajouter celles de la taxe professionnelle, du logement pour les instituteurs (qui est une obligation pour les communes qui, à défaut, doivent verser une indemnité représentative, mais qui est en train de disparaître car les instituteurs ont été progressivement intégrés dans le corps de professeur des écoles et ont ainsi perdu le bénéfice du droit au logement), d’aide à l’insertion (financement du RSA).

A noter que la compensation relais de la réforme de la taxe professionnelle (TP), qui représentait 32 Mds € en 2010, est égale à zéro dans le PLF 2011. Cette compensation provisoire était destinée à assurer la transition liée à la suppression de la TP (dont bénéficiait les collectivités territoriales) et à la mise en place de la Contribution économique territoriale (CET). 


c) Parmi les affectations de recettes, il faut citer le prélèvement au profit de la collectivité territoriale et des départements de Corse, d’un montant de 40 M €, qui compense le solde des charges résultant du transfert de compétences opéré par la loi de 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse. Il est égal à 10 % du produit de la TIPP réalisé en Corse.

Fait également normalement partie des affectations de recettes, le prélèvement sur les recettes des amendes forfaitaires de la police de la circulation (640 M € prévus en loi de finances pour 2010), mais le PLF 2011 réorganise le circuit des amendes : désormais, à compter de 2011, les collectivités territoriales bénéficient du produit des amendes au profit de leurs projets de circulation routière et de transports publics dans le cadre du compte d’affectation spéciale "Contrôle de la circulation et du stationnement routiers". Ce dernier accueille un programme spécifiquement consacré aux concours aux collectivités territoriales. 

En ce qui concerne l’évolution des prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales, une certaine stabilité est à remarquer, l’Etat considérant que l’effort de redressement du solde budgétaire, doit être partagé avec les collectivités territoriales. 


3/ Les remboursements et les dégrèvements d’impôts sont des PSR opérés au profit de certains contribuables qui sont en fait des dépenses fiscales. Ils représentent 82 Mds € en 2011. Les remboursements d’impôt correspondent à des restitutions liées aux mécanismes d’impositions et les dégrèvements résultent de l’application de dispositions législatives ou de décisions individuelles. On distingue : 
  • les remboursements et dégrèvements d’impôts d’Etat : ils représentent 71 Mds € et concernent principalement un impôt direct (l’IS pour 9 Mds) et un impôt indirect (la TVA pour 46 Mds), c'est-à-dire deux contributions particulièrement sensibles à la conjoncture ; 
  • les remboursements et dégrèvements d’impôts des collectivités territoriales : ils représentent 11 Mds € et concernent principalement les impôts directs locaux (TP et TH).

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