samedi 26 février 2011

La discussion de la loi de finances initiale

C. Lagarde et F. Baroin à l'occasion
de la présentation du PLF 2011.
Une fois le projet de loi de finances (PLF) déposé au Parlement, selon l'art. 39 LOLF, avant le premier mardi d'octobresa discussion en séance publique peut commencer. 

En vertu de l’art. 39 C, le PLF est toujours déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale qui a priorité sur le Sénat : "les projets de loi de finances sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale". Cela s’explique par le fait que cette chambre est plus représentative que le Sénat élu au suffrage indirect par les grands électeurs. En outre, en vertu de l’art. 42 C, la discussion en séance publique du PLF porte toujours sur le texte présenté par le Gouvernement.


1/ Comme tout projet de loi, le PLF fait l’objet d’un débat général qui se déroule à la mi-octobre sur deux ou trois journées selon la procédure suivante : 
  • le rapporteur général de la Commission des finances expose ses analyses du budget ; 
  • le président de la Commission des finances présente les travaux de la commission ; 
  • le ministre des Finances rappelle le contexte économique dans lequel le budget s’inscrit et explique les grands axes de la politique budgétaire ; 
  • les représentants de chaque groupe politique ont ensuite la faculté de faire part de leurs réflexions sur le projet de budget auxquelles le ministre ou le rapporteur général peut répondre ou donner des éclaircissements. 
La discussion du PLF se fait selon un ordre déterminé par la LOLF. En effet, selon l’art. 42 LOLF, "la seconde partie du projet de loi de finances de l'année et, s'il y a lieu, des projets de loi de finances rectificative, ne peut être mise en discussion devant une assemblée avant l'adoption de la première partie". Par conséquent, la première partie du PLF doit être adoptée pour que la seconde partie soit mise en discussion. Cela s’explique par le fait que la première partie du PLF porte sur des dispositions générales concernant les recettes, les dépenses et l’équilibre financier du budget. Une fois ce cadre adopté, les parlementaires peuvent se consacrer à la deuxième partie qui comprend les dépenses plus détaillées des différents ministères, ainsi que les bleus budgétaires qui s’y rattachent. Cet ordre permet d’éviter d’ajuster a posteriori les recettes en fonction de nouvelles dépenses que la discussion détaillée du PLF aurait fait naître et qui pourraient conduire à bouleverser les données générales de l’équilibre financier. 

Lors de la discussion de la seconde partie, le gouvernement n’est plus représenté par le seul ministre des Finances, mais par chaque ministre dont les crédits sont soumis à examen. Chaque ministre doit, en effet, être présent à la chambre pour expliquer sa gestion et débattre avec les parlementaires du contenu de son budget. Les ministres n’ont alors plus seulement en face d’eux les spécialistes de la question (rapporteur général, rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis), mais l’ensemble des parlementaires. Le ministre des Finances intervient dans la discussion à l’occasion de l’examen des articles relatifs aux services votés ou aux dispositions permanentes qui contiennent des dispositions fiscales. 

Une fois le PLF adopté dans son ensemble à l’Assemblée nationale, il est adressé au Sénat qui doit l’adopter au terme d’une procédure identique.


2/ La Constitution fixe des délais précis d'adoption (art. 47 C) : en première lecture, l’Assemblée nationale dispose d’un délai de 40 jours et le Sénat de 20 jours. Le délai plus court dont dispose le Sénat n’a aucun impact sur le travail des parlementaires, car dès le début d’octobre, il a à sa disposition l’ensemble des documents financiers et peut réunir ses commissions pour l’élaboration des rapports sur le PLF. Il peut donc commencer l’examen en séance du budget presque immédiatement après sa saisie. 

Le délai de 40 jours commence à compter du dépôt du PLF et de l’ensemble des documents d’accompagnement (Rapport économique et financier ainsi que les annexes explicatives bleues) qui doivent être déposés en même temps. Il arrive néanmoins que ces documents soient déposés avec quelques jours de décalage, ce qui n’entache pas la procédure d’inconstitutionnalité, mais reporte le point de départ précis du délai qui commence à courir une fois que le dernier de ces documents obligatoires est déposé. 

Si l’Assemblée nationale dépasse ce délai de 40 jours, "le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de 15 jours". En tout, le Parlement dispose de 70 jours. Passé ce laps de temps, les dispositions du PLF peuvent être mises en œuvre par ordonnances, donc par le Gouvernement seul. Le Parlement est alors dessaisi de ses prérogatives budgétaires au profit du Gouvernement. Les ordonnances prévues en cas de dépassement de délai sont des ordonnances spéciales dites "de l’art. 47 C". Elles se distinguent juridiquement de l’ordonnance ordinaire prévue par l’art. 38 C car elles n'ont pas besoin d'être précédée par une loi d’habilitation, ni d'être suivie du dépôt de projet de loi de ratification. Cette procédure qui reste une simple possibilité ("peuvent être mis en vigueur par ordonnance" selon l'art. 47 C), n’a encore jamais été appliquée sous la Ve République. 

Les lectures ultérieures du PLF sont plus rapides, car seules les dispositions non adoptées dans les mêmes termes par les deux assemblées restent en discussion. Le Gouvernement peut choisir soit de laisser jouer la navette parlementaire (conformément à l'art. 45 C), soit de faire passer le PLF en Commission mixte paritaire (CMP). En pratique, comme l'Assemblée nationale dispose de 40 jours et le Sénat de 20, il ne reste que 10 jours pour faire jouer la navette parlementaire afin de respecter le délai global des 70 jours prévu à l'art. 47 C, ce qui est un temps relativement court. Or pour les PLFI, la procédure d’urgence est de droit : le Gouvernement n’a donc pas besoin de la déclarer. Cela signifie qu’une seule lecture demeure nécessaire avant de pouvoir convoquer une CMP. Attention toutefois : cette procédure fonctionne seulement pour la loi de finances initiale, mais pas pour les autres lois de finances, à savoir les lois de finances rectificatives (les collectifs budgétaires) ou la loi de règlement où comme pour les autres lois, la CMP ne peut être déclenchée qu'après deux lectures par chaque assemblée. 

Une CMP est composée de 7 députés et de 7 sénateurs membres des deux commissions des finances. Elle est chargée (art. 45 C.) de proposer un texte commun sur les dispositions qui n’ont pas été votées en termes identiques par les deux chambres. 

Outre la fixation des délais d'examen, l’art. 47 C prévoie également des procédures d’urgence au cas où "la loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de l’exercice". Dans ce cas, "le gouvernement demande d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés". L’art. 45 LOLF laisse le choix au Gouvernement entre deux procédures : 
  • le PLF partiel : le Gouvernement demande à l’Assemblée nationale, avant le 11 décembre, d’émettre un vote séparé sur l’ensemble de la première partie de la loi de finances. Ce projet de loi partiel est ensuite soumis au Sénat selon la procédure d’urgence. Une fois le vote sur la première partie obtenu, le Gouvernement prend des décrets de répartition des crédits par chapitre, mais uniquement en ce qui concerne les services votés. Ces services votés sont les crédits minimums indispensables à la poursuite de l'exécution des services publics dans les conditions approuvées l'année précédente par le Parlement. Cette loi de finances partiel ne se substitue pas, toutefois, à la loi de finances dont la discussion se poursuit au-delà du 1er janvier jusqu’à son adoption définitive ; 
  • le PLF spécial : si la solution du PLF partiel n’a pas été suivie ou n’a pas abouti, le Gouvernement dépose avant le 19 décembre, devant l’Assemblée nationale, un projet de loi spécial l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année. Ce projet est discuté selon la procédure accélérée. Le Gouvernement prend alors des décrets de répartition par chapitre, applicables aux seuls services votés, en attendant l’adoption de la loi de finances, dont la discussion se poursuit. 
Une troisième possibilité existe qui consiste en l’adoption d’un PLF particulier. Cette procédure n’a été prévue ni par la Constitution ni par une loi organique. Elle a toutefois été mise en œuvre en 1979 et validée par le CC. Il s’agit d’une procédure où le Gouvernement dépose un projet de loi de finances particulier l’autorisant à percevoir les impôts.

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