dimanche 20 novembre 2011

TC, 1921, Société commerciale de l’Ouest africain

Distinction entre le Service public administratif (SPA) et le Service public industriel et commercial (SPIC)

Bac d'Eloka sur la lagune Ebrié.
Source : le blog de Frédéric Rolin.

Par cette décision, le Tribunal des conflits admet l’existence de services publics fonctionnant dans les mêmes conditions qu’une entreprise privée et donne naissance à la notion de service public industriel et commercial (SPIC). 

La société commerciale de l’Ouest africain était propriétaire de l’une des voitures qui furent gravement endommagées dans l’accident survenu au bac dit d’Eloka, service de liaison maritime situé sur la lagune du littoral de Côte d’Ivoire et exploité directement par la colonie. Aux fins de déterminer le juge compétent pour désigner l’expert dont la société demandait la nomination, le Tribunal des conflits a été amené à se prononcer sur la question de savoir si des services entiers de l’administration peuvent être regardés comme fonctionnant dans les mêmes conditions qu’une entreprise privée, auquel cas le juge compétent est le juge judiciaire. 

Il était déjà admis que, pour certaines opérations isolées, l’administration pouvait agir comme un simple particulier sans user de prérogatives de puissance publique. L’admettre pour un service entier était plus délicat. Le Tribunal des conflits valida toutefois cette innovation et donna ainsi naissance, bien que le terme ne soit pas utilisé dans sa décision, à la notion de service public industriel et commercial (SPIC).  

C’est ainsi que des organes essentiellement administratifs, comme les collectivités publiques par exemple, peuvent exploiter de tels services : c’est le cas de l’État s’agissant du service des monnaies et médailles (CE, 1981, Bouvet). A l’inverse, certains établissements auxquels la loi ou le décret les instituant a attribué un caractère industriel et commercial peuvent cependant exercer partiellement ou totalement des fonctions administratives. Tel est le cas par exemple de l’Office nationale des forêts (TC, 1986, Commune de Kintzheim c/ Office national des forêts). 

Pour identifier un service public industriel et commercial, le juge, loin de s’en tenir aux qualifications parfois trompeuses des textes, à moins qu’ils ne soient de niveau législatif, met en œuvre plusieurs critères dont les principaux sont :
  • l’objet du service, 
  • l’origine des ressources, 
  • les modalités du fonctionnement. 

La qualification d’industriel et commercial donnée par la loi ou par le juge à un service entraîne en principe la compétence du juge judiciaire pour trancher les litiges le concernant. Mais cette compétence n’est pas générale, le juge administratif reste compétent en ce qui concerne : 
  • la responsabilité : le juge administratif se reconnaît compétent pour connaître des dommages de travaux publics causés à des tiers ainsi que des dommages causés par des services publics industriels et commerciaux dans l’exercice de prérogatives de puissance publique ; 
  • les contrats : certains contrats relatifs à des services publics industriels et commerciaux, si le service est géré par une personne morale de droit public, peuvent avoir le caractère de contrat administratif si le second critère nécessaire à cette qualification est satisfait, ce second critère pouvant prendre plusieurs formes (contrat d’exécution de travaux publics, contrat d’occupation du domaine public, clauses exorbitantes du droit commun et enfin contrat confiant l’exécution même du service public) ; 
  • le personnel : les litiges les opposant au service relèvent toujours du juge judiciaire à l’exception du directeur et du comptable, s’il a la qualité de comptable public (CE, 1957, Jalenques de Labeau) ; 
  • la légalité des actes de portée générale : le juge administratif est compétent pour juger de la légalité des actes de portée générale des services publics industriels et commerciaux (TC, 1968, Compagnie Air France c/ Epoux Barbier).



Source : cette analyse d'arrêt est une simple adaptation de l'analyse du Conseil d'Etat http://www.conseil-etat.fr/fr/presentation-des-grands-arrets/tribunal-des-conflits-22-janvier-1921-.html.

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