lundi 10 octobre 2011

Le Front national (FN)

Le Front national (FN) est un parti politique français, situé à l’extrême droite, qui défend une idéologie nationaliste, souverainiste et populiste. Il a été fondé en 1972 par Jean-Marie Le Pen. Parti essentiellement protestataire et anti-système, ses critiques dirigées en direction des partis de gouvernement, qu’ils soient de droite ou de gauche (UMP, PS), font de lui un parti isolé et sans alliés. A l'origine parti des nantis et des possédants, il joue depuis quelques années la fonction tribunitienne autrefois dévolue au PCF, notamment par un changement du profil sociologique de son électorat composé de plus en plus d’ouvriers et d’employés. En 2011, il compte 40 000 adhérents. 


1/ Depuis sa création, le Front national (FN) a connu une importante croissance électorale, toutefois limitée par son positionnement de parti anti-système. 


A/ A l’origine, le Front national (FN) se nomme le Front national pour l’unité française (FNUF). Il est créé en 1972 lors du deuxième congrès de l’organisation d’extrême droite Ordre nouveau. Il s'agit, en réalité, de participer aux élections législatives de 1973 au moyen d’une structure plus large. Jean-Marie Le Pen en devient le premier président. Il change de nom très vite pour devenir le Front national dès l'année 1973. 

Jusqu’au début des années 1980, le Front national reste un parti marginal : Le Pen obtient 0,75 % lors des élections présidentielles de 1974 et lors des élections présidentielles de 1981, il ne parvient même pas réunir les 500 signatures d’élus locaux pour se présenter. De dépit, il appelle à voter Jeanne d’Arc. 

Le FN réalise sa première percée électorale lors des élections européennes de 1984 où il obtient 10 élus au Parlement européen (10,95 % des suffrages). Au plan national, il confirme ce résultat aux élections législatives de 1986 où il obtient 9,6 % des suffrages, soit 35 sièges. Ce score s’explique, en partie, par un passage du vote au scrutin proportionnel voulu par Mitterrand afin d’atténuer une défaite programmée. Le passage au scrutin majoritaire à deux tours lors des élections de 1988 fait passer le FN de 35 députés à un seul. 

A partir du milieu des années 80, un espace favorable aux idées d’extrême droite s’ouvre dans le paysage politique français. Son terreau idéologique est l’immigration et l’insécurité, thèmes dont les enjeux sont négligés par les autres partis politiques. Mais le FN profite aussi de l’usure de la gauche au pouvoir et de la crise de confiance plus globale des citoyens envers la politique. Il sait exploiter habilement tous ces éléments et ses scores électoraux ne cessent de croître. A l’élection présidentielle de 1988, Jean-Marie Le Pen obtient 14,4 % des suffrages exprimés, 15 % en 1995 et crée même la surprise en 2002 en arrivant deuxième avec 16,9 % des voix, juste après Jacques Chirac, mais devant le candidat du PS, Lionel Jospin. Son score très faible au second tour (17,8 %) montre toutefois que le vote FN demeure un vote contestataire et qu’une importante partie du corps électoral ne lui fait pas confiance en tant que parti de gouvernement. Il reste qu’en moins de 20 ans, ce parti est passé de l’inexistence électorale à un statut de deuxième force électorale du pays. 

Le FN est régulièrement rejoint par des membres de la droite qui souhaitent une radicalisation de la politique en matière d’immigration ou un durcissement de la position souverainiste à l’égard de la construction européenne. C’est le cas de Bruno Mégret qui adhère au Front national en 1987. Il en devient le délégué général et acquiert rapidement une certaine influence au sein de ce parti. Considéré comme un rival embarrassant par la direction du FN, notamment par l’entourage de Jean-Marie Le Pen, Bruno Mégret finit par être exclu du parti. Il emporte avec lui une grande partie de cadres et d’élus et crée en 1999, le Front national - Mouvement national, dont il devient le président, mais qui est contraint de changer de nom suite à l’action judiciaire de Jean-Marie Le Pen. Ce nouveau parti est rebaptisé Mouvement national républicain (MNR). Il ne parvient pas néanmoins à concurrencer les scores du FN (2,34 % à l’élection présidentielle de 2002) qui reste le seul grand parti d’extrême droite en France. 


B/ En 2007, le FN souffre de la reprise d’une partie de ses thèmes traditionnels (lutte contre l’immigration et contre l’insécurité) par le candidat Nicolas Sarkozy. Jean-Marie Le Pen n'obtient que 10,44 % des suffrages exprimés lors de l'élection présidentielle et est relégué en quatrième position derrière Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou. Lors des élections législatives qui suivent, le FN continue de s'effondrer et obtient seulement 4,3 % des suffrages (moins 7 points par rapport au scrutin précédent). Ce sont les plus mauvais résultats du FN lors d'élections nationales depuis la fin des années 1980. Cet effondrement est confirmé l'année suivante lors des élections municipales, au cours desquelles les candidats du FN, qui éprouvent souvent des difficultés financières à constituer des listes, obtiennent des résultats extrêmement faibles (0,93 % des suffrages exprimés au premier tour, 0,28 % au second et seulement une soixantaine de conseillers municipaux). Le FN perd ainsi son influence dans le paysage politique français. 

Cette baisse d'influence s'accompagne de problèmes financiers importants qui ont notamment conduit à la vente du siège du Front national à Saint-Cloud et au départ de plusieurs figures du parti telles que Jacques Bompard (maire d'Orange), Jean-Claude Martinez (ancien vice-président du Front national) ou Carl Lang (député européen, il crée le Parti de la France en 2009). Elle a toutefois été atténuée lors des élections régionales de 2010, où, dans un contexte d'abstention record, il connaît un certain rebond en obtenant 11,42 % des suffrages au premier tour. Même si son score est en retrait par rapport aux régionales de 2004, le parti progresse dans toutes les régions où ses listes se maintiennent et atteint 17,5 % des voix au second tour. 

Le départ annoncé de Jean-Marie Le Pen en 2009 entraîne une incertitude sur l’avenir du FN, la personnalité de son leader charismatique étant l’une des raisons de son succès. Deux candidats se présentent pour lui succéder : Bruno Gollnisch et sa fille, Marine Le Pen. Cette dernière l’emporte lors du congrès de Tours en 2011 en recueillant 67,65 % des voix. Quant à Jean-Marie Le Pen, il devient président d’honneur du parti. 



C/ Sur le plan des idées, il est possible de classer le Front national comme un parti mixte se situant entre droite nationale et droite radicale. Dans Les Droites nationales et radicales en France (1992), Jean-Yves Camus et René Monzat distinguent deux familles au sein de l'extrême droite française : 
  • la droite nationale : elle a pour filiation les plébiscitaires, allant du bonapartisme au boulangisme, donc une idéologie conservatrice et réactionnaire ; 
  • la droite radicale : elle combine l’antiparlementarisme et l’anticapitalisme, elle est favorable à un bouleversement et à une régénération de la société et des hiérarchies sociales. Or, c’est selon Roger Griffin (The Nature of Fascism – 1991), un trait propre du fascisme que de vouloir transformer profondément la société au moyen d’une idéologie ultranationale et populiste. 
Pour Camus et Monzat, le FN est un "parti mixte" au sens où il agit dans le cadre de la démocratie représentative et cherche à conquérir le pouvoir au moyen des élections. Il présente toutefois certaines caractéristiques du fascisme au sens où il s’estime investit d’une mission de régénérescence sociale et possède une culture de parti fondé sur la pensée mythique. Il reste que ce fascisme demeure très anecdotique, car le FN ne comporte que peu des caractéristiques fascistes listées par Emilio Gentile (Qu'est-ce que le fascisme ? – 2004) : 
  • ce n’est pas un mouvement de masse ; 
  • il n’est pas organisé sous la forme d’un parti-milice ; 
  • il n’emploie pas la terreur pour accéder au pouvoir ; 
  • il ne souhaite pas construire un homme nouveau ; 
  • il n’est pas favorable à l’extension de l’interventionnisme économique, ni à la subordination du citoyen et de la société à l’Etat. 
Il existe cependant une idéologie à caractère anti-idéologique, un antimatérialisme, un anti-individualisme (du fait de l’appel permanent à la mobilisation nationale), un antimarxisme, une opposition au libéralisme politique considéré comme un équivalent du socialisme et un populisme qui peuvent en faire un parti proche de la droite radicale. 

A noter toutefois que l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti a conduit à mener une stratégie de dédiabolisation afin de ramener le FN vers la droite nationale : le rejet des skinheads, la reconnaissance du génocide juif, l’acceptation de l’économie de marché avec un Etat régulateur sont autant d’éléments qui conduisent à adoucir les aspérités d’un parti souvent relégué à la marge du débat démocratique. L’ambition de Marine Le Pen, qui consiste à faire du FN un parti de gouvernement, reste néanmoins difficilement compatible avec une logique anti-système, étant donné que le multipartisme contraint à la conclusion d’alliances pour pouvoir gouverner. 


2/ La sociologie électorale montre un changement de structure dans l’électorat du FN qui en fait désormais le parti des classes populaires. 


A/ Dans Ces Français qui votent FN (1999), Nonna Mayer parle de l'essor de "l’ouvrierolepénisme". Electoralement, le FN laboure un terrain populaire, vivier électoral traditionnel du PCF. Le vote FN connaît une progression forte parmi les ouvriers : 15,5 % des ouvriers ont voté Le Pen en 1988, 19,5% en 1995 et 22,5% en 2002. Elle constate ainsi que ce vote est particulièrement fort chez les jeunes très intégrés au milieu ouvrier (c'est-à-dire mariés avec une ouvrière et issus de ce milieu). Pour Nonna Mayer, ce phénomène est lié au fait que cette catégorie de la population est la plus touchée par le chômage et la précarité, ce qui se traduit par une crise de confiance généralisée envers les hommes politiques et par un vote contestataire. 

Ce développement de la part des ouvriers dans l’électorat du FN conduit à modifier sa structure : alors qu’en 1988 le vote FN était un vote de petits bourgeois nantis et frustrés, en 1995 il est un vote de désespoir et de pauvres. Cette tendance se vérifie et s’accentue depuis le 21 avril 2002. Ainsi, le FN repose sur deux électorats radicalement opposés : 
  • les "droitistes" issus de la petite bourgeois possédante (d’un commerce, de l’immobilier, etc.) ; 
  • les "ouvrierolepénistes" qui ont longtemps voté à gauche et qui expriment ainsi leur désillusion vis-à-vis de la politique. 
Cette division crée une fracture au sein du FN entre ceux qui considèrent les syndicats et les grèves avec un certain mépris et ceux qui manifestent une solidarité de classe. Elle tend à s’accroître puisque le vote d’extrême droite se développe fortement chez les agriculteurs, ouvriers, employés, alors qu’il régresse chez les jeunes, commerçants et artisans, cadres supérieurs et professions libérales. Toutefois, comme le souligne Pascal Perrineau dans "L’électorat de la protestation de Jean-Marie Le Pen" (2007), "cette alliance électorale du monde de la boutique et du monde de l’atelier" constitue la "formule gagnante" de l’extrême droite en Europe. 


B/ Au plan électoral, le lepénisme est un mélange entre le référentiel "national" d’une certaine droite et le référentiel "social" d’une certaine gauche. Le FN n’est donc pas une version dure de la droite au sens om il appliquerait une politique ultralibérale défavorable aux ouvriers et aux employés. Il défend plutôt une certaine idée de la nation qui doit se servir de ses frontières pour retrouver sa souveraineté et limiter l’immigration. Pour cette raison, le FN se présente aussi comme le partisan d'un Etat colbertiste, investissant dans les industries porteuses, et assurant une protection sociale des travailleurs. La différence fondamentale cependant qui l'oppose à la gauche, c'est la discrimination qu'il instaure entre les non-nationaux et les Français en leur réservant davantage de droits (prime pour les naissances, priorité pour les logements sociaux, etc.).

Sociologiquement, le profil type de l’électeur d’extrême droite est un homme, jeune, issu des couches populaires et peu diplômé. Contrairement à ce que l’on croit souvent, ce ne sont pas les personnes âgées qui votent le plus FN, ni celles qui proviennent de la petite et moyenne bourgeoisie (agriculteurs, commerçants, industriels), ni encore celles qui se déclarent catholiques pratiquants. Il rencontre des difficultés à s’implanter parmi cet électorat du fait de la mémoire des vieilles générations des dérives nationalistes et populistes des années 30 et de la fidélité aux valeurs de tolérance diffusée par l’Église catholique. 

Au plan de la géographie électorale, le vote FN se concentre autour des grandes agglomérations urbaines (Lille, banlieue parisienne, Lyon, Grenoble, Strasbourg, Marseille, Montpellier et Nice) et dans les bassins industriels très touchés par le chômage (Nord-Pas-de-Calais, bastion ouvrier anciennement acquis au PC). De manière générale, il se nourrit de l’accroissement de la délinquance et de fortes concentrations de populations immigrées. Mais, il faut noter qu’en 2002, certaines zones rurales comme la Creuse ou la Corrèze ont davantage voté FN que lors des autres élections. Cette poussée du FN peut s’expliquer par les difficultés démographiques et économiques du monde rural, et l’extension de la délinquance en zone rurale et « rurbaine ». 

En récupérant le malaise économique, social et culturel des électeurs employés et ouvriers le Front national est parvenu à des scores significatifs. Mais son positionnement stratégique le limite dans sa progression. En effet, le FN se place systématiquement en critique du système : le vocable lepéniste consiste à renvoyer les différents partis de gouvernement dans le même le camp par le sigle UMPS. Son argumentaire est que la gauche et la droite sont arrivées au pouvoir sans pour autant parvenir à apporter des réponses au chômage, à l’insécurité et à l’immigration. Mais cela traduit une volonté forcenée d’opposition peu compatible avec l’exercice du gouvernement où les alliances sont nécessaires pour mettre en œuvre une politique. 

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